Défense du massif vosgien

Diviser pour mieux régner

« En politique et en sociologie, diviser pour régner est une stratégie visant à semer la discorde et à opposer les éléments d’un tout pour les affaiblir et à user de son pouvoir pour les influencer. Cela permet de réduire des concentrations de pouvoir en éléments qui ont moins de puissance que celui qui met en œuvre la stratégie, et permet de régner sur une population alors que cette dernière, si elle était unie, aurait les moyens de faire tomber le pouvoir en question. » (Wikipédia)

Depuis Jules César, chacun sait que le meilleur moyen d’avoir les mains libres pour gouverner, c’est de semer la discorde parmi ses opposants.

Et pour semer la discorde, rien de plus simple : il suffit de stigmatiser certaines catégories (au choix les chômeurs, les fonctionnaires, les immigrés, les pollueurs, les assistés…) pour créer, naturellement, des tensions et des affrontements. Pendant que le peuple s’acharne à accuser quelque minorité d’être responsable de tous les maux, le pouvoir, bien confortablement installé sur son trône, à l’abri des projectiles, en profite pour faire passer des mesures dont l’injustice criante passe totalement inaperçue. Ça fonctionne à tous les coups : trop occupé à taper sur les petits, le peuple manipulé en oublie de se révolter quand bien même il aurait toutes les raisons de le faire.

Les motards : tous des vilains

C’est bien ce qu’il se passe aujourd’hui dans les Vosges et l’Alsace. Depuis plusieurs mois, l’actualité routière déversée par certains médias attise insidieusement la haine envers les motards : « Les randonneurs du weekend arpentent les sentiers pendant que les motards prennent – bruyamment – leurs aises dans les montées et les courbes » (mai 2015). Facile, on a tous râlé, au moins une fois, sur un scooter ou une moto qui dépassait allègrement le taux de décibels autorisé. Sur la route des Crêtes ou en ville, aucune importance, on s’en souvient ; donc on confirme. Et on généralise : tous les motards font trop de bruit, c’est inadmissible. Ça, c’est fait.

Et si ça fait du bruit, c’est que ça roule trop vite, ça tombe sous le sens, n’est-ce pas ? D’ailleurs, là encore, on se rappelle s’être fait doubler par une moto l’autre jour, sur la route des Crêtes ou n’importe où ailleurs, aucune importance. Évidemment, il faut occulter le fait qu’on s’est déjà fait doubler aussi par des voitures. Mais ça marque moins. Et on ne se posera pas la question de savoir, pour une moto qui va trop vite, combien sont sagement derrière à la même vitesse et qu’on ne verra donc jamais. Des dangers publics les motards, je vous le dis !

Entretenir l’animosité

Voilà, dans cette motophobie ambiante, il ne reste plus qu’à enfoncer le clou pour imposer une mesure qui, en temps normal, aurait dû mécontenter tous les usagers de la route : abaisser la limitation de vitesse à 70 km/h sur l’intégralité de la route des Crêtes. Ah mais on ne peut pas reprocher au Président du Conseil Départemental des Vosges d’avoir pris cette décision puisque c’est de la faute des motards, on vous l’a dit et répété !

Certes, les automobilistes aussi vont en subir les conséquences. Mais lorsque l’un d’entre eux va doubler un peu trop rapidement dans la prochaine petite portion de ligne droite ce fichu camping-car qui se traine à 50 et lui gâche la vue, et que le flash du radar lui rappellera qu’ici on roule à 70, ce sera à cause des motards. Lorsqu’un autre aura juste dépassé la vitesse limite de quelques malheureux km/h dans la descente par inadvertance et qu’il recevra plus tard la lettre lui signifiant qu’il a perdu un point, ce sera encore la faute des motards. C’est tout bénéf pour les autorités : imposer des contraintes sans aucun fondement avec l’assentiment voire le soutien de la majorité des usagers de la route.

Et pour ceux qui n’auraient pas tout suivi depuis le début, le président du Conseil départemental du Haut-Rhin rappelle qu’il avait pris, de son côté, la même mesure pour « réduire la mortalité des motards » (octobre 2015) tout en menaçant cette catégorie d’irréductibles d’une « interdiction pure et simple de la circulation des motos » sur la route des Crêtes. Quand on vous dit que ce sont les motards, tous les motards sans exception, l’unique cause des accidents sur la route des Crêtes… 

Je me demande juste un truc : l’incitation à la haine et la discrimination ne sont-elles pas réprimées en France ?

Dominique